lundi 31 décembre 2018

Palabras para Julia / J. A Goytisolo

" La vida es bella ya verás" : en guise de voeux pour les jours et les mois à venir, 
ces belles paroles pour Julia, si bien chantées par Paco Ibanez.   
Paroles d'amour, paroles de confiance.
La vie est belle, tu verras...

Douce, aimante et confiante année à vous.



 « Tú no puedes volver atrás
porque la vida ya te empuja
como un aullido interminable.

Hija mía, es mejor vivir
con la alegría de los hombres,
que llorar ante el muro ciego.

Te sentirás acorralada
te sentirás perdida o sola
tal vez querrás no haber nacido.

Yo sé muy bien que te dirán
que la vida no tiene objeto,
que es un asunto desgraciado.

Entonces siempre acuérdate
de lo que un día yo escribí
pensando en ti como ahora pienso.

La vida es bella, ya verás
como a pesar de los pesares
tendrás amigos, tendrás amor.

Un hombre solo, una mujer
así tomados, de uno en uno
son como polvo, no son nada.

Pero yo cuando te hablo a ti,
cuando te escribo estas palabras,
pienso también en otros hombres.

Tu destino está en los demás,
tu futuro es tu propia vida,
tu dignidad es la de todos.

Otros esperan que resistas
que les ayude tu alegría
tu canción entre sus canciones.

Entonces siempre acuérdate
de lo que un día yo escribí
pensando en ti como ahora pienso.

Nunca te entregues ni te apartes
junto al camino, nunca digas
no puedo más y aquí me quedo.

La vida es bella, tú verás
como a pesar de los pesares,
tendrás amor, tendrás amigos.

Por lo demás no hay elección
y este mundo tal como es
será todo tu patrimonio.

Perdóname no sé decirte
nada más pero tú comprende
que yo aún estoy en el camino.

Y siempre siempre acuérdate
de lo que un día yo escribí
pensando en ti como ahora pienso. »
 

jeudi 20 décembre 2018

Winter's child / Camille


Oh what a funny feeling for a child
Born in the middle of the night
Born in the middle of the war
Born in the middle of the winter
This is the middle of the night
This is the middle hold on
This is the middle of the night
This the middle hold on
 
Hold on until the moon has gone
Until the mice no longer bite
Until the stars are on the run
Until your heart can breath the light
Until you're born
 
La nuit descend
Et tu es né
Enfant de suie
Au sang mêlé
La guerre a fui
Voici la paix
Gonflé de vie
Le jour t 'attend
Oh mon Liban
 
 

mardi 27 novembre 2018

Mon Dieu qui donnes l'eau tous les jours à la source / Marie Noël



Mon Dieu qui donnes l’eau tous les jours à la source,
Et la source coule, et la source fuit ;
Des espaces au vent pour qu’il prenne sa course,
Et le vent galope à travers la nuit ;

Donne de quoi rêver à moi dont l’esprit erre
Du songe de l’aube au songe du soir
Et qui sans fin écoute en moi parler la terre
Avec le ciel rose, avec le ciel noir.

Donne de quoi chanter à moi pauvre poète
Pour les gens pressés qui vont, viennent, vont
Et qui n’ont pas le temps d’entendre dans leur tête
Les airs que la vie et la mort y font.

L’herbe qui croît, le son inquiet de la route,
L’oiseau, le vent m’apprennent mon métier,
Mais en vain je les suis, en vain je les écoute,
Je ne le sais pas encor tout entier.

J’ai vu quelqu’un passer, un fantôme, homme ou femme…
Mon cœur appelait sur la fin du jour…
Les rossignols des bois sont entrés dans mon âme.
Et j’ai su chanter des chansons d’amour.

J’ai vu quelqu’un passer, s’approcher, disparaître ;
Et les chiens plaintifs qui rôdent le soir
Ont hurlé dans mon cœur à la mort de leur maître.
J’ai su depuis chanter le désespoir.

J’ai vu les morts passer et s’en aller en terre,
Leur glas au cou, lamentable troupeau,
Et leurs yeux dans mes yeux ont fixé leur mystère.
J’ai su depuis la chanson du tombeau…

(...)

Vous qui passez par-là, si vous voulez que j’ose
Vous rapporter du ciel la plus belle chanson,
Douce comme un duvet, rose comme la rose,
Gaie au soleil comme un jour de moisson,

Si vous voulez que je la trouve toute faite,
Vite aimez-moi, vous tous, aimez-moi bien
Avant que mon cœur las d’attendre un peu de fête
Ne soit un vieux cœur, un cœur bon à rien.

Aimez-moi, hâtez-vous… J’entends le temps qui passe…
Le temps passera… le temps est passé…
Bientôt fétu qui sèche et que nul ne ramasse
Mon cœur roulera par le vent poussé,

Sans voix, sans cœur, avec les feuilles dans l’espace.


Marie Noël (1883-1967)

samedi 24 novembre 2018

L'espoir par mégarde


Sur la page nue d'un cahier
Quand l'aube tremble sous le vent
J ai - maladroite - fait tomber
Quelques graines de passeroses.

Fleuriront-elles au temps des roses  ?
         Toujours faire confiance au printemps.

lundi 19 novembre 2018

Trille


 
Ainsi s’ouvre le livre
quand l’envie des mots
est plus forte
que la  nuit.

Quand le plein de la page
est paysage
blanc :
Oh ! mes pas d’encre noire.

Quand le silence
bruisse
      de mots-moustiques
      de mots-abeilles
      de mots-oiseaux.

Quand la chambre
est une ruche
sur le bout de ma langue
le miel.

Dans la nuit nue
      soudain
un merle s’égosille.

Oh ! tracer sur la page
son chant.


lundi 12 novembre 2018

Laude


Demeure encore un peu
sur les genoux de la nuit
laisse tourner le sommeil en silence
et l'encre en lait 

Le jour retient son souffle et toi
c'est à peine
si tu oses
respirer

Le jardin est une énigme
de ton thé le brouillard monte
comme un encens.


lundi 29 octobre 2018

Berceuse triste

Parmi les personnes d'exception qui nous ont quittés trop tôt figure au premier rang la merveilleuse chanteuse catalane Montserrat Figueras. Avec son mari, Jordi Savall, elle a mis à jour un répertoire médiéval, classique et populaire méconnu. Longtemps elle nous a enchantés de sa voix chaude, avant d'être emportée en 2011 par le maudit crabe,  et je ne puis jamais l'écouter sans émotion. J'avais envie, en ces jours de souvenir, de partager cette émotion avec vous. 


lundi 22 octobre 2018

Frissons / Philippe Mathy



Gorge nouée, tu frissonnes.
Au bord de cet étang
des souvenirs sont embusqués
dans les taillis de l'être. 

Dans ton coeur, une enfance
aux poings toujours vifs
martèle un temps qui cherche encore
où s'apprivoise la lumière.

[extrait de Iles de la Gargaude, Philippe Mathy, illustrations Anne Le Maître,
  paru ce mois d'octobre à L'Atelier des Noyers.]
 

mardi 25 septembre 2018

Blanc comme la neige





... Toi tu n’es plus qu’une ombre
et la neige a fondu que tu foulais naguère
et décembre s’annonce
et la neige nouvelle
bientôt recouvrira
sur les chemins aimés la trace de tes pas


Mais il reste ceci : tes pages 
               de silence
tes échappées de blanc
tes éclats de soleil


Quand le temps se suspend
comme un qui retiendrait
- un instant seulement –
     son souffle,
     son esprit,
     et son pas
     sur la neige.


(extrait de Blanc comme la neige, sur des peintures d'Hervé Espinosa, 
Atelier des Noyers, septembre 2018)

mercredi 19 septembre 2018

Matin / Supervielle


Sous la peau des ténèbres,
Tous les matins je dois
Recomposer un homme 
Avec tout ce mélange
De mes jours précédents
Et le peu qui me reste
De mes jours à venir.
Me voici tout entier,
Je vais vers la fenêtre.
Lumière de ce jour,
Je viens du fond des temps,
Respecte avec douceur
Mes minutes obscures,
Epargne encore un peu
Ce que j’ai de nocturne,
D’étoilé en dedans
Et de prêt à mourir
Sous le soleil montant
Qui ne fait que grandir.
 
Jules Supervielle, La Fable du Monde.
 

lundi 17 septembre 2018

Jardin de pierre




Au coeur d'un cloître de l'abbaye d'Orval (Belgique), 
un moine amoureux fou de Guillevic a créé un jardin zen. 

Force du lieu.
Force du vide.
Force des mots.


samedi 8 septembre 2018

Le jardin de Clémence



Un goûter sous les feuilles
A l’ombre du mois d’août
Dans le ciel des nuages
       d’orage.

Sur la pelouse nue
L’enfance bat des ailes
A la table on savoure
       le jour.

Le thé fume. Une guêpe
Tourne autour du gâteau
Chocolat poire amande
       gourmande.

Les petits garçons blonds
Maraudent des framboises
Les parents qui bavardent
       s’attardent.

Le vent se lève à peine
On va ranger les chaises
Pas besoin d’une laine :
       l’amitié
                   nous tient chaud.


jeudi 30 août 2018

Désir d'îles


Travaux d'illustration en cours pour le poème Iles de la Gargaude, de Philippe Mathy, à paraître à l'automne à L'Atelier des Noyers.  


...Quelques arbres, branches lourdes ;
le soleil y glisse ses doigts doux.
Silence. Le vélo file en roue libre.

On sent renaître en soi
le goût de l’espérance...



liens : 
L'Atelier des Noyers
Philippe Mathy

dimanche 26 août 2018

A paraître début septembre


L'exemplaire "n°0" vient de sortir des presses à des fins de relecture.  Il sera prêt pour début septembre. Blanc comme la neige, poème d'Anne Le Maître sur des images d'Hervé Espinosa, est à paraître aux éditions de l'Atelier des Noyers. Un projet que nous avions commencé ensemble, en sachant que je serais seule pour le mener à bien. 
Voilà qui est fait. C'est une joie.


• Anne Le Maître, Hervé Espinosa, Blanc comme la neige, L'Atelier des Noyers, 2018. 21 x 15 cm, 54 pages, 14 €.
 

jeudi 23 août 2018

Journal d'une pierre (extrait d'un livre à venir)



... L’être-là de la pierre
la convoque
au mitan
au matin
au rivage.

Là,
dit la pierre,
je suis.

Et moi ?

Gnomon
       pour quelle aurore ?

Les chemins sans pierres,
dit la pierre,
sont biens nus.


Ce texte est extrait d'un travail mené cet été, dont je vous reparlerai peut-être. Au moment de le publier, je trouve, sur le beau site de Roger Dautais, Le Chemin des Grands Jardins, consacré à son activité de land-art, la dédicace suivante, et c'est comme un écho de pierre à pierre... : 

Cairn en côte de nacre normande, pour Anne Le Maître

jeudi 5 juillet 2018

Le temps des vacances / M. Carême


C'est le temps béni des vacances. 
Le vent fait des noeuds d'hirondelles
Le jour est rond comme une amande.
Tout le village sent le miel. 
Le soleil a pendu sa lampe
Juste au-dessus des vaches blanches
Etonnées de n'avoir plus d'ombre,
Mais les prairies qui près du bois 
Tremblent doucement sous leur poids
N'ont jamais été si profondes.


Bel été à tous.


samedi 30 juin 2018

Moisson du petit jour



La vie à ma fenêtre
rouge comme un satin de fête
offerte comme un matin d'été.

jeudi 7 juin 2018

Pa' llegar a tu lado / Lhasa de Sela


Gracias a tu cuerpo doy 
Por haberme esperado 
Tuve que perderme pa' 
Llegar hasta tu lado 

Gracias a tus brazos doy 
 Por haberme alcanzado 
Tuve que alejarme pa' 
Llegar hasta tu lado 

Gracias a tus manos doy 
Por haberme aguantado 
Tuve que quemarme 
Pa'llegar hasta tu lado


[Je remercie ton corps
De m’avoir attendue
Il a fallu que je me perde
Pour arriver à tes côtés 

Je remercie tes bras
De m’avoir atteinte
Il a fallu que je m’éloigne
Pour arriver à tes côtés 

Je remercie tes mains
De m’avoir supportée
Il a fallu que je me brûle
Pour arriver à tes côtés]


Lhasa de Sela (1972-2010), comme trop d'autres, est partie avant l'heure. Comme quelques-uns,  elle nous laisse en héritage des merveilles, et l'amour de la vie.



lundi 4 juin 2018

Unique au monde



"Va revoir les roses. Tu comprendras que la tienne est unique au monde. 
Tu reviendras me voir, et je te ferai cadeau d'un secret..."

(Le Petit Prince, A. de Saint-Exupéry)

vendredi 1 juin 2018

Que déjà je me lève / Guillevic


Que déjà je me lève en ce matin d'été
Sans regretter longtemps la nuit et le repos,

Que déjà je me lève
Et que j'ai cette envie d'eau froide
Pour ma nuque et pour mon visage,

Que je regarde avec envie
L'abeille en grand travail
Et que je la comprenne,

Que déjà je me lève et voie le buis,
Qui probablement travaille autant que l'abeille,
Et que j'en sois content,

Que je me sois levé au devant de la lumière
Et que je sache : la journée est à ouvrir,

Déjà, c'est victoire.


Guillevic

mardi 29 mai 2018

Insondable


Le nom du merle noir
qui hantait le jardin

le tiroir bien caché
où tu rangeais les clés

la route du grand hêtre
le chemin des jonquilles

la couleur de mes yeux



Je me demande
qui se souvient
            maintenant
de toutes ces choses
que toi seul
            savait.


vendredi 4 mai 2018

jeudi 19 avril 2018

Gracias a la vida / Violeta Parra / Dom la Nena


Envie de partager ce pur moment de grâce, chanté par la lumineuse Dom La Nena, sur les mots de la non moins merveilleuse poétesse chilienne Violeta Parra. Parce qu'il y a des jours (malgré tout, malgré tout...) où l'on a envie de dire merci à la vie.



Gracias a la vida que me ha dado tanto
Me dio dos luceros, que cuando los abro,
Perfecto distingo lo negro del blanco
Y en el alto cielo su fondo estrellado
Y en las multitudes el hombre que yo amo
 
Gracias a la vida que me ha dado tanto
Me ha dado el oido que en todo su ancho
Graba noche y dia, grillos y canarios,
Martillos, turbinas, ladridos, chubascos,
Y la voz tan tierna de mi bien amado
 
Gracias a la vida que me ha dado tanto
Me ha dado el sonido y el abecedario;
Con el las palabras que pienso y declaro:
Madre, amigo, hermano, y luz alumbrando
La ruta del alma del que estoy amando
 
Gracias a la vida que me ha dado tanto
Me ha dado la marcha de mis pies cansados;
Con ellos anduve ciudades y charcos,
Playas y desiertos, montanas y llanos,
Y la casa tuya, tu calle y tu patio
 
Gracias a la vida que me ha dado tanto
Me dio el corazon que agita su marco
Cuando miro el fruto del cerebro humano,
Cuando miro al bueno tan lejos del malo,
Cuando miro al fondo de tus ojos claros
 
Gracias a la vida que me ha dado tanto
Me ha dado la risa y me ha dado el llanto
Asi yo distingo dicha de quebranto,
Los dos materiales que forman mi canto,
Y el canto de ustedes que es mi mismo canto,
Y el canto de todos que es mi propio canto
Gracias a la vida que me ha dado tant
 

jeudi 12 avril 2018

Etre là



Dans la clairière à droite, passée la ligne à haute tension, elles étaient là. Un tapis de cloches jaunes jaillies parmi les ronces, courtes sur tige, trapues, corolles lourdes, infiniment délicates pourtant, avec des transparences de vélin. Semées en nappes par quelque Créateur prodigue, elles ondulaient à perte de vue entre les petits chênes.
Je me suis avancée, oubliant très vite le chemin.
Je me suis penchée pour les cueillir.
C’est là que ça m’a saisie, à croupetons dans la terre humide, les mains piquées d’épines – les ronces sont acerbes – le parfum de la terre m’emplissant les narines.
Le vent m’a traversée.
Les petits nuages joyeux ont roulé dans mes veines, droit jusqu’au coeur.
Et je suis devenue jonquille, épine et arbrisseau, et le printemps m’a bénie.

Être là, enfin.
Au présent.
Quand s’abolissent les frontières qui me séparent du monde.
Quand reflue ma conscience, ne laissant que l’instant jaillir comme une source. Être là comme un brin d’herbe parmi d’autres brins d’herbe, malmené par l’hiver, bruni par la neige, secoué par le vent. Être là, sans plus de quand ni de pourquoi.
M’échapper à moi-même.
Et mystérieusement, me rejoindre.
« On attrape la grâce, écrit Annie Dillard, comme un homme emplit sa coupe sous une cascade. »


[extrait de Sagesse de l'Herbe, Transboréal, 2018]