lundi 26 septembre 2016

Ne pas



Ne pas faire
Ne pas dire
Ne pas voir


Ne pas voir
La rosée  sur la prêle et la pluie sur le bois
le ventre d’un chardon
les lilas
le silence
et le souffle orangé de la nuit qui s’abat.

Silence
ne pas dire
parfois ce qui nous ploie
ce qui parfois nous  tord et qui nous fait vieillir
Silence
on ne dit pas.


Mais
l’or ténu des mots quand ils nous font cortège
leur humeur de moineaux
et leurs pas sur la neige.


samedi 24 septembre 2016

Inapaisé / Gilles Baudry


Les yeux fermés, parle de l’intérieur.
Trouve des mots
Qui soient des portes
derrière lesquelles
on écoute la mer raconter une histoire,
de ces portes qu’on pousse
au-dedans de soi.
À l’indicible source
puise des mots infusés de printemps
dédiés
à ce qu’il y a de plus frais
en chacun.
Garde la page inapaisée.


Gilles Baudry, Nulle autre lampe que la voix, Éditions Rougerie, 2015, p.6.


lundi 19 septembre 2016

L'espoir hésite


Au bord du jour
barbouillé d’encre

comme on se tient
dans le noir
au bord d’un trou
– c’est peut-être la mer

aux franges
                   aux marges
                              aux lisières



la partie
a perdu
la parole

le combat
a cessé
sans victoire



entre patte de chien
et pelage de loup

entre la mort et le matin

l’espoir hésite.


vendredi 16 septembre 2016

Faire-part


Fenêtres : tel est le titre de mon nouveau livre, arrivé aujourd'hui même tout chaud sorti de chez l'imprimeur, aux éditions de la Renarde Rouge.  Plaisir de saisir, de soupeser, de caresser le mince volume né de tous ces moments  passés en silence, un crayon à la main, à tenter de recueillir la grâce de l'instant. 



Page après page, d'automne en été, j'ai voulu dire la ronde des saisons qui passe sur la ville, raconter le noisetier qui fait ses premières feuilles, les cris des martinets, les fleurs du lilas, le parfum des tilleuls, la neige... la danse lente du temps à ma fenêtre. 
Extrait :


"Automne. 

La pluie cette nuit est arrivée par l’est et les toits de la ville sonnent sous ses doigts comme la peau d’un tambour. Bientôt six heures. J’ouvre ma fenêtre pour faire entrer le matin. Sur le rebord, trois coings achèvent de mûrir, jaune paille et vert-de-gris. Leur parfum douceâtre se mêle à l’odeur piquante de l’eau qui rince les rues, détrempe les dernières roses, les feuilles dans les allées et la pelouse des jardins.

Au loin dans les vaux, la forêt résonne du cri des cerfs que l’automne tourmente. Et les bois craquent, et les mufles se lèvent à la lune, les gorges se gonflent et les corps s’entrechoquent, et la forêt plie sous l’ouragan sauvage dont rien ne parvient à nos villes policées.


Oh ! Comme hier marcher dans la nuit tiède, faire rouler les pierres, guetter le chevreuil et la biche,  sentir se froisser l’air sous l’aile d’un hibou. Dans l’aube qui blanchit et éteint les étoiles marcher vers la colline, éviter les ronces, n’être plus qu’écoute attentive du Grand Sauvage, le ventre tout vibrant de ce qui fait gronder les bêtes."


• 48 p., 16 €. Disponible aux éditions de la Renarde Rouge et dans les meilleures librairies (ainsi bien sûr qu'à l'Atelier, chez moi).

mardi 13 septembre 2016

Rouille



Les gares perdues dans les collines
Que juillet engourdit
et dont le goudron part

L’air sent la graisse chaude
la rouille
 et la poussière


Il est parti le chef de gare
sa moustache
et son sifflet gris

Bientôt l’ortie
bientôt la ronce
confitures de mûres
pour le voyageur.
 

samedi 10 septembre 2016

Pas grandir



Pas grandir
minuscule
sous la fleur
me cacher

Pas quitter
sur le mur
les dragons
de papier

Sentir eau
goûter peau
accueillir
l’invisible

Un ange ou
un flocon
je tutoie
l’impossible

Tout est là
tout est grand
et la main
est si douce

Qui me tient
dans le jour
qui me tient
qui me pousse

Zanzibar
Orénoque
une jungle
un jardin

Découvrir
l’Amérique
traverser
l’eau du bain

Portez-moi
Sur vos dos
serrez-moi
dans vos bras

Soyez là
la caresse
et la voix
soyez là

 Jamais dire
c’est demain
jamais dire
il est l’heure

Pas grandir
pas pleurer
pas quitter
le bonheur.

vendredi 9 septembre 2016

Lecteur / James Sacré

« En fait, je ne suis pas persuadé qu’il y ait si peu de lecteurs de poésie.
Et puis d’abord qu’est-ce qu’un lecteur de poésie ?  Peut-être qu’il ne faut pas en avoir lu beaucoup, de poésie, pour pouvoir en être à l’occasion touché. Une seule expérience, même fugitive est peut-être suffisante pour colorer une vie. Quelques pages lues à l’étal du libraire ne font-elles pas de vous un lecteur de poèmes ?
Et ceci n’explique-t-il pas cela : si on retrouve le qualificatif "poétique" un peu partout, n’est-ce pas parce que plus ou moins tout le monde a fait l’expérience de lire ou de chanter un poème ? » 

James Sacré

jeudi 8 septembre 2016

Onde



Pourquoi Still Life ?

Il y a deux ans, j'ai eu envie de compléter ma panoplie de blogs par un qui me semblait manquer. Ouvrir un espace aux mots que l'on se murmure à soi-même, à ceux qui fleurissent au plus profond du silence, le parsemer de quelques images glanées au détour des jours, y inviter de temps à autre les mots de ces autres qui me nourrissent... Ce fut Still Life. J'ai écrit pour lui, il a accompagné quelques nuits d'insomnie, beaucoup de petits matins paisibles et autant des soirées de solitude, ... Il m'a conduit surtout, souvent, à prendre le stylo, à veiller à bien garder une place pour la poésie dans mon quotidien.
Il vécut le temps d'une année, avant qu'un jour de colère, attristée par sa faible fréquentation, je ne décide de tout jeter bas. Et depuis, je le regrette. 

Alors je le rouvre. Je rouvre le livre immatériel des humeurs douces-amères, les pages d'émerveillement. Je reprends mon stylo. 

Et si certain-e-s en viennent à s'y promener, ce sera un cadeau de plus. 

Nouvelle du jour



Ce matin dans mon thé
se noyait un poème

Je l’ai recueilli
et mis à sécher

Il chante sur le bord de l’évier.


mercredi 7 septembre 2016

Réfléchir




Insecte



Dans la boue des hivers
Dans les aubes trop pâles

Dans la cendre des nuits
Et sous le poids des soirs

Dans le blanc
Dans le noir

Dans le gris
Sous la pluie


A petits pas


Fourmi


J’avance.


Programme


"Il nous faut arracher la joie aux jours qui filent."

V. Maïakovski